[Rédaction du Lab] Le crémant de Bordeaux sortira-t-il le vignoble girondin de la crise ?
Le crémant de Bordeaux peut-il sauver l’Entre-Deux-mers et permettre une sortie de crise du vignoble bordelais ? Avec une croissance à deux chiffres, l’effervescent local suscite de nombreux espoirs. S’il permet à certains vignerons de sortir la tête de l’eau, il ne devrait cependant pas, à lui seul, sauver la production dans l’entre-deux-mers, et son impact sur l’ensemble du vignoble bordelais reste minime.
Explications avec Dominique Furlan, vigneron coopérateur à la cave Louis Vallon (130 adhérents, 1 200 hectares), dont il est le président du conseil d’administration, et qui produit pour moitié du crémant de Bordeaux. Cette coopérative s’appuie commercialement sur le groupe Bordeaux Families. Dominique Furlan est également président de la section des crémants de l’O.D.G. Bordeaux.
Le crémant de Bordeaux peut-il sauver la production en Entre-deux-Mers et permettre une sortie de crise pour le vignoble bordelais ?
“La croissance que connaît le crémant de Bordeaux est un motif d’espoir dans cette crise que traverse le vignoble bordelais, mais elle ne suffira pas pour le sauver. On ne pourra pas faire 100 % de la production en crémant, mais cela peut donner une bouffée d’oxygène à ceux qui sont déjà impliqués dans ce marché. Il ne faut pas oublier que Bordeaux, c’est 75 % de vins rouges, et cela ne se change pas d’un simple claquement de doigt. Mais c’est vrai que pour certains producteurs de l’entre-deux-mers, ce serait une catastrophe de ne pas avoir le crémant.“
La forte croissance de l’appellation pourrait probablement inciter de nombreux vignerons à se lancer dans le crémant. Est-ce une bonne idée ?
“Ceux qui veulent se lancer dans le crémant aujourd’hui doivent être certains de trouver un débouché, car cela coûte très cher en termes de main-d’œuvre et de stockage. Oui, les effervescents fonctionnent, mais il faut avoir la capacité de les commercialiser, et il faut bien le faire ! Il faut avoir des compétences et un certain recul sur la qualité que l’on est capable de donner au vin. C’est donc un espoir pour ceux qui sont déjà engagés, mais pour les nouveaux producteurs, il faut qu’ils soient très prudents.“
Existe-t-il une stratégie de communication de la filière pour continuer à valoriser les crémants sur le marché, afin de les distinguer de leurs concurrents ?
“Au niveau des interprofessions, nous essayons de sensibiliser les élus, nous nous rendons dans les communes pour leur montrer que nous produisons des bulles de qualité dans la région. Mais il n’y a pas de stratégie de communication spécifique qui se distingue des bordeaux rosés, clairets, rouges ou blancs. Concernant la stratégie commerciale, nous avons une stratégie de valorisation. Certaines cuvées passent plus de temps sur lattes, ce sont des produits plus coûteux, mais dont le prix est justifié. Nous nous intéressons grandement au secteur CHR, surtout pour nos marques phares comme Louis Vallon, uniquement distribuée chez les cavistes et en restauration. Mais nous ne pourrons pas nous passer de la grande distribution, car elle reste la vitrine essentielle auprès des consommateurs et celle qui écoule le plus de volume.“
Le “Bordeaux-bashing”, si fréquent auprès d’une certaine génération de consommateurs, ne risque-t-il pas de nuire au développement du crémant de Bordeaux ?
“Nous ne sommes pas du tout inquiets à ce sujet, car le monde des vins tranquilles est bien distinct de celui des effervescents. Le dynamisme de l’appellation le prouve, contrairement aux vins rouges tranquilles de Bordeaux, qui sont dans une situation catastrophique.”
La cave Louis Vallon, dont vous êtes le président du conseil d’administration, compte-t-elle augmenter sa production pour satisfaire la demande ?
“Notre outil est calibré pour produire 40 000 à 45 000 hectolitres de vin de base, nous ne pouvons pas faire plus. Nous devons d’abord absorber les amortissements de tous les investissements que nous avons réalisés au cours des 10 dernières années avant de réfléchir à une nouvelle expansion. Une fois que nous aurons terminé de rembourser et si le marché continue de croître, nous envisagerons certainement de nous agrandir.“
Malgré sa croissance à deux chiffres, le crémant de Bordeaux ne représente qu’une toute petite partie du vignoble bordelais : 910 hectares sur 111 400 hectares de vignoble toutes AOC confondues. Trop peu donc pour sortir le vignoble bordelais de la crise qu’il traverse, et sûrement insuffisant pour changer la dynamique de la sous-région viticole de l’entre-deux-mers, pourtant majoritairement productrice de crémant et actuellement en grande difficulté. Cependant, le développement important de la filière crémant a déjà permis de sauver certaines exploitations et continuera d’en sauver d’autres, si la croissance se maintient.
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